Le portrait-robot du sportif n’est pas facile à dresser. Mais des grandes lignes se dessinent. Ainsi, les moins accros à la pratique sportive se retrouvent généralement dans les classes sociales les moins favorisées. De même, les adolescents profitent du sport pour se mesurer; cela vaut essentiellement chez les garçons ; les filles, pour leur part, abandonnent souvent à ce moment-là. Quelques notions qui démontrent à quel point le travail d’éducation au sport est essentiel.
La pratique d’une activité sportive n’est pas toujours très aisée. Pour les sports qui requièrent une infrastructure, il faut se déplacer pour en bénéficier ; pour ceux qui ne demandent qu’un équipement minimum comme une paire de jogging, il faut le temps libre. Mais dans tous les cas, un seul mot d’ordre : la volonté.
Un paramètre sur lequel le médecin confronté à un patient qui a tout intérêt à « se bouger » n’a quasiment aucune emprise. Quoique… La capacité à guider ces patients demande des compétences : généralement, ils n’aiment pas trop l’activité physique ; il s’agit donc de les mettre en contact avec le sport de manière progressive, en commençant par des activités qu’ils aiment.
Inculquer le plaisir de bouger
Ce type de suivi existe dans certains centres destinés au traitement de l’obésité : « Nous avons, poursuit-il, dans notre service un programme d’activité physique pour patients obèses. Ils reçoivent un programme d’une diététicienne et en général, ils maigrissent mais il ne s’agit pas là de notre objectif premier. Nous visons avant tout à leur communiquer le plaisir de bouger, leur faire comprendre qu’il y a moyen d’éprouver du plaisir physique en bougeant, chose que bien souvent ils n’ont plus ou jamais osé faire. Ainsi, même s’ils ne perdent pas de poids par la seule pratique sportive, ils améliorent leur condition physique, ils vont mieux fonctionner dans leur vie quotidienne en montant des escaliers sans être à bout de souffle par exemple. Si en plus ils perdent du poids, c’est un bonus, évidemment. »
Les résistances psychologiques
Mais le manque de motivation à pratiquer une activité physique n’est certainement pas l’apanage des patients obèses. « On constate que la personne qui devrait faire du sport ou avoir une activité physique, à l’instar de celle qui devrait arrêter de fumer ou arrêter de boire de l’alcool, est tout à fait convaincue des bienfaits pour sa santé, mais bizarrement, elle ne le fait pas. Et si le rôle des médecins est de les informer et les encourager, une infrastructure complète est indispensable, comprenant un suivi et des conseils sur la manière de commencer. Sinon, elle va s’y mettre un petit temps puis arrêter. Il suffit de voir le nombre de personnes qui paient un abonnement de 3 mois dans une salle de sports et abandonnent à la 4ème séance. C’est parce qu’elles ne bénéficient pas de prise en charge adaptée. Elles doivent donc être dirigées vers des centres où des kinés, des licenciés en éducation physique vont les prendre en charge et leur expliquer comment exécuter les mouvements sans se faire mal, sans exagérer. La manière de pratiquer une activité n’est pas la même pour un jeune de 20 ans qui veut avoir un corps athlétique que pour une personne de 60 ans ou qui doit perdre 15 kg… Toutes ces dimensions sont à prendre en charge, tout comme les habitudes prises au cours des années. Ce qui relève de plus en plus d’un psychologue » explique le Prof. Philippe Godin, responsable du service de Psychologie du Sport de l’UCL.
Plaisir de s’occuper de son corps
Par ailleurs, on constate que la pratique d’une activité physique régulière est davantage le fait des couches sociales plus élevées de la population. « Parmi les explications, il y a celle de la perspective d’avenir : s’occuper de son corps, se préoccuper de sa santé, c’est obligatoirement avoir une perspective d’avenir. Les personnes des catégories sociales défavorisées n’ont pas de perspective d’avenir. Donc elles se moquent de savoir si le fait de fumer, manger gras et boire trop d’alcool peut avoir des répercussions sur leur espérance de vie. Alors que quelqu’un qui a une aspiration à se projeter dans l’avenir va s’en préoccuper, sachant que ce qu’il fait aujourd’hui aura des répercussions, du moins en partie, sur demain. Il s’agit d’une règle générale qui n’exclut pas que des universitaires aient des comportements « à risque », comme le tabagisme ». Une explication qui n’est pas la seule et unique. « Je pense aussi que les personnes qui ont une éducation très inspirée de la notion judéo-chrétienne vont aussi minimiser l’importance du corps et considérer que l’essentiel, c’est l’au-delà ». Ceci ajouté à la « diabolisation » du corps, objet de vice de luxure…
Une question d’âge?
D’autres éléments entrent aussi en ligne de compte sur la motivation à bouger, et notamment l’âge. Chez les enfants, le sport est un amusement et un moyen de se défouler, de faire exploser l’énergie canalisée en classe, par exemple. Les enfants sont donc souvent réceptifs à l’idée de participer à une activité sportive. Il est donc bon de les y encourager et de s’organiser pour leur permettre de persister. C’est le début de l’éducation à la pratique sportive, qui devrait devenir un réflexe comme celui de se brosser les dents. Mais attention, comme le souligne Serge Pieters, diététicien spécialisé dans l’alimentation du sportif : « pour les enfants en surpoids ou obèses, les cours de gym ne sont pas adaptés à leur problème : les professeurs cotent trop souvent en fonction des performances, qui sont moindres chez les enfants obèses, évidemment, et non en fonction des résultats personnels et de l’évolution des capacités individuelles. Il peut s’ensuivre un dégoût pour le sport ». De même, il faut respecter leurs complexes à se montrer dans des sports comme la natation et gérer les moqueries des petits camarades…
Ou de sexe?
Chez les adolescents, la manière d’appréhender le sport est différent : A cet âge-là, ils ont d’autres préoccupations que le sport. De plus, des différences se marquent : les garçons maintiennent plus souvent leur activité sportive parce qu’ils sont pris dans un système de comparaison, ils se mesurent aux autres. Tandis que les filles risquent davantage d’abandonner, soit du fait de leur plus grande tentation à se replier sur elles-mêmes, soit parce qu’elles ont une mauvaise image de leur corps et ne veulent pas l’exhiber. Une différence entre hommes et femmes qui se confirme à l’âge adulte, généralement. Pour stéréotyper, la femme a plus tendance à pratiquer un sport dans un souci de bien-être personnel, alors que l’homme a plus tendance à le faire pour l’image qu’il donne, pour la compétition et en focalisant sur le résultat.
Reprise du sport : un moment délicat
Et puis, à l’âge adulte, on retrouve trois catégories de sportifs : les non-sportifs invétérés, les sportifs qui en ont fait une hygiène de vie et les anciens sportifs qui veulent s’y remettre. Ceux-ci posent le plus de problèmes de santé, avec leurs erreurs d’appréciation sur leur préparation, leurs capacités ou leur récupération. Un méchant piège attend les anciens sportifs qui reprennent leur sport : généralement, ils ont pratiqué entre 15 et 25 ans et ont développé une mémoire de ce qu’ils étaient capables de faire à cet âge. Ensuite, la vie sociale, professionnelle, familiale fait que la majorité des gens entre 25 et 40-45 ans, lèvent le pied. Puis, vers 40-45 ans, ils décident de s’y remettre et recommencent avec en mémoire le niveau où ils étaient. Et le piège, il est là ! Ce sont les activités qui ont un impact sur le plan cardiaque, c’est-à-dire les efforts courts et intenses, qui sont particulièrement délicates, voire dangereuses chez ceux qui recommencent sans suivi ni conseil à cet âge. Le sportif devra donc recommencer très progressivement, rester à l’écoute de son corps, prendre le temps sentir comment ses articulations fonctionnent et de se dire qu’il n’est pas là pour faire les Jeux Olympiques. On a l’image, la représentation de ce qu’on était, qu’on aimerait encore être ou redevenir si possible au plus vite, mais on risque de brûler des étapes.